Pascal Hémon
Ingénieur de recherche du CNRS - LadHyX
CNRS - Ecole Polytechnique F-91120 PALAISEAU France
Bureau +33 (0)1 69 33 52 76 - pascal.hemon (arobas) polytechnique.edu
Qu’est ce que l’aéroélasticité ?
L'aéroélasticité étudie les vibrations des structures souples telles une aile d'avion ou un grand pont à haubans dans un écoulement d'air. Les causes de ces vibrations se séparent en deux grandes familles :
- Les vibrations induites par les variations dans le temps de la vitesse de l'écoulement, présentes même lorsque la structure est immobile. C'est le cas de la turbulence atmosphérique ou des rafales de vent. On parle alors de vibrations induites par la turbulence. Il existe aussi dans le sillage de certaines formes élancées des lâchers périodiques de tourbillons qui peuvent entrer en résonance avec un mode propre de la structure. On parle dans ce cas de vibrations induites par vortex.
- Les vibrations dues à un effet de vitesse moyenne de l'air dont l'écoulement se couple avec le mouvement de la structure. Moins évidentes elles sont souvent plus dommageables. Par exemple le mécanisme à l'origine de la destruction du pont de Tacoma entre dans cette catégorie. On parle alors d'instabilité aéroélastique, ou, dit autrement, de vibrations induites par le mouvement. On trouve aussi le terme de flottement qui est un terme générique pour des phénomènes de couplage aéroélastique.
Les vibrations induites par la turbulence résultent du fait que la vitesse du vent n'est jamais constante et qu'elle évolue aussi bien dans le temps que dans l'espace. Il s'ensuit des efforts aérodynamiques non constants qui peuvent faire vibrer une structure. Pour un avion la variation de la densité de l'atmosphère traversée par l'engin engendre une problématique similaire. Les vibrations induites par la turbulence sont un problème important pour les constructeurs de grands ponts ou de grands bâtiments car ces structures sont très souples pendant les phases de construction.
Les vibrations induites par vortex concernent essentiellement les cylindres allongés et ont été étudiées particulièrement sur le cylindre circulaire. En aéroélasticité les vibrations engendrées par le détachement de tourbillons alternés (les tourbillons de Bénard - Von Karman du nom de leurs premiers découvreurs), sont rarement dommageables même en cas de résonance. Elles peuvent en revanche accélérer la fatigue de la structure. Ce n'est pas le cas des structures offshore soumises aux courants marins, pour lesquelles les vibrations induites par vortex constituent un problème majeur.
Les vibrations induites par le mouvement sont dues à des instabilités aéroélastiques qui se déclenchent lorsque la vitesse moyenne du vent est supérieure à la vitesse critique. L'enjeu des études et recherches porte sur la détermination de cette vitesse critique, lorsqu'elle existe, et de faire en sorte qu'elle ne soit jamais atteinte. Par exemple pour un avion on s'arrange pour que cette vitesse critique soit supérieure à la vitesse atteignable par l'engin. De même pour une structure de génie civil on vérifie que la vitesse maximale du vent donnée par la météo reste inférieure à la vitesse critique.
Il existe plusieurs sortes d'instabilités aéroélastiques, souvent qualifiées de flottement :
- Le flottement classique concerne généralement les profils d'aile souples. Il résulte d'un couplage des mouvements de torsion et de flexion de l'aile dont les fréquences naturelles sont modifiées par les forces aérodynamiques. Si les fréquences de torsion et de flexion se rejoignent pour une vitesse de vent donnée, le mouvement sera amplifié très rapidement et conduira généralement à la destruction de l'engin. Dans ce problème, l'écart de fréquence naturelle entre le mouvement de torsion et celui de flexion est fondamental : plus celui-ci est grand, plus la vitesse critique sera grande. Cette instabilité porte également le nom d'instabilité par confusion de fréquence.
- Le flottement de décrochage concerne souvent les structures de génie civil souples qui ne sont pas aussi bien profilées qu'une aile d'avion. Il s'agit d'une instabilité qui concerne un mouvement de flexion seul, ou de torsion seul. Les efforts engendrés par le vent déforment la structure. Cette déformation modifie l'écoulement d'air, qui en retour modifie la déformation, et ainsi de suite... Au dessus de la vitesse critique, il peut arriver que les propriétés aérodynamiques de la structure soient telles que l'énergie de ces oscillations soit captée par la structure qui n'arrive plus à la dissiper. L'amplitude vibratoire augmente progressivement. On parle alors d'instabilité par amortissement ajouté. Un exemple très connu est celui du pont de Tacoma. Lorsque le flottement de décrochage concerne un mouvement de flexion le phénomène a pris le nom de galop.